vendredi 11 novembre 2011

Infrarouge noir et blanc


Marc-André Coté de www.photoelements

Infrarouge noir et blanc

  St-Germain-de-Kamouraska couleur


       

St-Germain-de- Kamouraska ir bw

La photographie en infrarouge noir et blanc  est l'une de mes passions. Premièrement, j'adore le noir et blanc bien traité et  deuxièmement, si vous ajoutez l'aspect féérique que l'infrarouge dégage alors là je suis aux anges. Lorsque j'expose des impressions infrarouges, les personnes qui regardent mes images  et qui ne connaissent pas du tout cet esthétisme ont toujours un air dubitatif, ils ne savent pas exactement comment  lire les images. Certains me demandent si c'est de la neige sur les arbres et d'autres s'interrogent si mes images ne sont pas, en fait, des impressions de négatifs.          


Petite histoire de la pellicule.

Les pellicules noir et blanc et couleurs sont composées de nitrate d'argent, le nitrate d'argent est extrêmement sensible aux rayons ultra-violets que l'on ne voit pas et à la lumière bleue. Les premières pellicules photographiques du 19e siècle donnaient un rendu très contrasté et peu subtil. N'étant sensibles qu'au bleu, les ciels bleus  de ces  photographies étaient totalement blancs, l'herbe était d'un gris foncé et le rouge à lèvres de ces dames paraissait presque noir ; il faut penser négatif. Le négatif avait donc un ciel très saturé de métal d'argent vu sa sensibilité au bleu donc il était complètement noir, les verts se traduisaient par des gris légers, en positif des gris foncés et le rouge était presque transparent et par conséquent devenait presque noir en positif.



On réussit à améliorer la pellicule noir et blanc en ajoutant un colorant optique qui la rendît sensible au vert d'où l'appellation orthochromatique (sensible au bleu et au vert). Les  films  en arts graphiques en étaient et encore aujourd'hui les papiers noir et blanc le sont. C'est pour cette raison que l'on peut travailler en chambre noire avec de la lumière rouge ou en ambrée. Plus tard on ajouta un sensibilisateur optique pour le rouge et on obtint la pellicule panchromatique, sensible à tout le spectre de la lumière et traduisant ainsi toutes les couleurs en valeurs plus ou moins subtiles de gris.


Les pellicules couleur n'y échappent pas, elles sont également composées de trois couches  et même plus superposées de nitrate d'argent et inclus un filtre jaune qui sert à couper toute lumière bleue sur  les couches servant à capter  uniquement le rouge et le vert. Rappelez-vous que le nitrate d'argent est essentiel au départ pour toute émulsion photographique et qu'il est extrêmement sensible au bleu. Ce filtre  très jaune est un composé chimique qui se dissout dans le bain de blanchiment (bleach) lors du développement. 



Les pellicules photographiques infrarouges ont été développées dans les années 1960, la compagnie Kokak en produisait en format 35 mm et 4x5. La compagnie Konika fabriquait une pellicule en format 120 dont j'étais un abonné assidu. Il fallait tout de même placer devant son objectif un filtre rouge ou un véritable filtre infrarouge qui était complètement opaque, encore une fois avec ses filtres on réussissait à couper le bleu toujours présent dans toutes les pellicules.  Le résultat était spectaculaire, mais avait la caractéristique d'avoir une granularité assez forte, excepté pour les pellicules de format 120 et encore moins pour le format 4x5.

Bon maintenant le monde à l'envers, celui de l'infrarouge

Une image infrarouge sans le filtre devant le capteur. Il suffira de désaturer à -100% pour obtenir un aperçu en niveau de gris.



Les capteurs de nos caméras numériques, de par leurs matériaux, sont ultra-sensibles à l'autre extrémité du spectre soit le rouge et surtout l'infrarouge. Donc pour contrer la sensibilité native des capteurs les compagnies doivent absolument ajouter un filtre en avant du capteur. Comme le filtre jaune absorbe le bleu indésirable, un filtre cyan ou bleu-vert sert à la même stratégie en photographie numérique. Les premières caméras numériques avaient des filtres moins efficaces et certains photographes en profitaient pour ajouter un filtre infrarouge en avant de leurs objectifs et en exposant de longues minutes, sur trépied, on réussissait à contrecarrer le filtre interne du fabricant. Maintenant il est plus difficile de réussir cet exploit. Cette technique était très limitée, une exposition de 2 à 5 minutes ne permet pas de faire des instantanés.





La solution la plus simple, mais aussi la plus dispendieuse est de consacrée une caméra, le plus souvent une de générations plus âgées et lui retirer son filtre interne, La compagnie Lifepixel est l'une des entreprises qui se dédit à ce marché. Vous envoyez une caméra, il retire le filtre devant le capteur, place un filtre infrarouge à la place et vous la retourne à l'intérieur de 2 semaines. Le coût… et bien de 250.00$ à 400.00$ selon le type de caméra.


Les avantages

Vous obtenez une caméra ultra-sensible pouvant permettre la photographie à main levée. Aucun filtre en avant de la caméra.




Désavantage

Votre caméra est désormais dédiée qu'à l'infrarouge.

Différence entre une image infrarouge
et celle en n&b standard


Le noir et blanc est un univers que j'affectionne particulièrement. Le portrait en noir et blanc met en valeur  le sujet plutôt que sur sa veste orangée. Les paysages en hiver donnent des résultats très graphiques et épurés. Le paysage urbain permet de se concentrer sur le contenu en enlevant le bigarré des couleurs. Par contre, les paysages de nature (landscapes) pendant la période estivale souffrent du manque de luminosité du feuillage.


  • L'infrarouge, lui, permet une vision absolument irradiante des feuilles et en fait de tout ce qui est verdure. La chlorophylle réfléchit tout l'infrarouge que le soleil lui envoie. Il faut toutefois avoir du soleil, par temps nuageux les résultats sont décevants.


  • Le bleu du ciel foncé à presque noir si l'on veut, ce qui rajoute au côté irréel de l'image.


  • Dernier point et peut ëtre pour moi le plus important, l'infrarouge permet de percer le voile atmosphérique toujours présent pendant l'été.

 Kamouraska couleur  et vue de la rive nord du fleuve St-Laurent et les montagnes de Charlesvoix











Kamouraska ir b&w et vue de la rive nord du fleuve St-Laurent et  les montagnes de Charlesvoix






Que ce soit l'humidité, la poussière ou  une fine brume; toutes les perspectives deviennent cristallines et le lointain paraît si près. Je me demande si les aigles ont une vision infrarouge. Il existe des recettes de photoshop pour simuler l'infrarouge, mais aucune ne réussira à percer le lointain.